Ils ne peuvent rien faire pour ou contre, ils sont trop jeunes, trop petits, trop pauvres pour faire entendre leurs voix, pour se défendre contre une vie embourbée de conflits qu’ils n’ont pas causés. Ce sont des enfants qui veulent seulement vivre, qui veulent simplement dormir, manger et jouer, parce que ce sont des enfants. Et pourtant, ils sont nombreux, trop nombreux, à ne connaître ce droit que comme un fantasme, une fiction à la lumière de la guerre, de l’évacuation et de la migration.

“Let the Children Play” est un appel à l’action qui doit être accomplie bien au-delà des frontières et des différences culturelles, et en même temps une initiative collective d’artistes : La photographe autrichien Lukas Maximilian Hüller, l’acteur et auteur belge Laurent Van Wetter, l’artiste autrichien Hannes Seebacher, le sculpteur britannique Kevin Harrison, l’artiste syrien (et désormais travailleur humanitaire) Sami Ajouri. Leur moyen de faire entendre cet appel à l’action, de donner une voix aux enfants, est artistique par nature : utiliser des images. Ils voyagent vers des régions en crise pour donner aux enfants au moins l’image du jeu, et ensuite développer cette image avec les enfants.

Les images montrent des enfants qui jouent en vrai pour la camera devant une image imaginaire, prenant part à une image qui fait de leur vie quotidienne un fragment temporaire d’un but. Ce que les photos révèlent sont des images duelles : des instants documentaires saisis sur place, et plus tard un panorama d’ensemble qui n’a jamais existé auparavant, montés ensemble : l’illusion d’un moment qui pourrait s’approcher, et déjà une image de promesse

La composition des images demande parfois de recourir à des « modèles », à des moments de l’histoire de l’art qui sont ici réincarnés, rejoués comme une image dans l’image, comme une image qui anticipe déjà une image, déjà un document d’une illusion. Le caractère documentaire de la photographie est utilisé à la fois pour transmettre une illusion et pour la surcharger. Le rayonnement illusionniste a une fissure invisible, un point de fracture d’où le doute déborde, une source de critique, qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas tout à fait rond.

Ce que le travail révèle est une construction du futur, l’illusion de plaies suturées que les images évoquent. Elles représentent un plaidoyer urgent de ne pas se fier aux apparences, de ne pas avoir foi en un présent qui suture les fissures entre la réalité et l’idéal. Les images représentent un hybride de scènes qui n’ont jamais eu lieu de cette manière et pourtant pointent vers un objectif, un hybride de critique et d’espoir qui donne un visage à la vie quotidienne des enfants, offrant ainsi un portrait réaliste de l’appel à l’action.

Andreas Spiegl, Prof. Des Sciences des Arts et Culture, Vienne

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